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Le petit trottineur
23 mai 2010

Le baptême du diato

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On dit qu'il faut trois générations pour être oublié. Rayé de la carte. Comme si l'on n'avait jamais existé. A moins d'avoir laissé une oeuvre derrière soi. A moins d'avoir transmis l'amour de la musique, ou à défaut, l'instrument de musique qui nous a accompagné tout au long d'une vie. Qui n'a pas été ému d'exhumer d'une vieille malle, le violon de l'arrière grand-mère, le pipeau de l'arrière grand-oncle? Mais cela s'arrête là, car bien souvent l'instrument reste sans vie dans sa boîte, et finit aux cimetière des oublis. Ou dans un vide-grenier.
M. est une passionnée. Son dernier diato, elle l'a découvert dans une brocante sur les quais de Lyon, aphasique et en piteux état: le boîtier de bois rongé par les vers, le soufflet moisi par le temps, les touches branlantes... Un mort parmi les vivants. Dessus, il y a marqué "Dedenis, Brive, Corrèze". 1913 sans doute. L'imagination s'emballe. Qui avait pu tenir l'instrument tout contre son coeur? Quelles fêtes avait-il enivrées? Quelles belles avait-il fait danser? Quelles amoures se sont tissées sous ses tarentelles ou ses bourrées? Comment a-t-il traversé les guerres?... Il faut avoir tenu un diato contre soi, l'avoir trimballé ici et ailleurs pour savoir qu'on ne peut plus s'en séparer. Il détient le secret de la part cachée de nous-même. II nous révèle. La boîte magique exerce une force d'attraction qui vient de loin, du fond de soi, et dont on ne peut se détacher... Quelle histoire le petit Denis avait-il vécu pour mériter un tel abandon?
M. a rencontré une jeune femme, agent ferroviaire le jour, et fée-magicienne la nuit. Elle pratique des opérations à coeur ouvert sur les accordéons. C'est sa passion. Il lui a fallut les six longs mois d'hiver pour redonner vie au petit instrument... Ce dimanch
e, M. avait préparé une fête avec tous ses amis accordéonistes. C'était une fête joyeuse dans un jardin fleuri d'Ardèche, où les bonnes fées se sont penchées sur le berceau du petit dernier qui revenait de loin. Après un discours solennel, M. a sorti de l'emballage l'instrument de bois, et commencé à jouer quelques notes.  Le soufflet a repris sa respiration. Le son est sorti,  un peu hésitant mais avec du caractère. Le timbre semblait corsé... Les amis se  sont passé  le  petit Denis de mains en mains, et chacun a mis du sien pour le ramener à la vie. Chacun, sans doute, a eu une pensée pour celui ou celle, disparu et oublié dans la nuit des temps, qui tenait son diato avec amour et qui là, dans ce jardin fleuri, aurait aimé être de la fête aussi...

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Commentaires
D
superbes photos, le diato c'est émouvant...
N
magnifique
Le petit trottineur
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