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Le petit trottineur
22 janvier 2009

Le 18

DSC_9545 Le vent avait dû faire disparaître les brumes et déboucher l’horizon. Ça s’entendait au travers des persiennes fermées. Les oiseaux pépiaient dans le lilas du Japon, et les jappements des chiens fermiers se répondaient en écho au loin… C’était un son clair des beaux jours, quand la lumière est perceptible par l’oreille. Déjà les fils de Charlot étaient à l’œuvre dans la plantation d’abricotiers. Elle entendait le cliquetis régulier de leurs sécateurs électriques qui taillaient les arbres en corolle. Une promesse de printemps. Elle a tendu l’oreille vers l'intérieur, et sentait la respiration du petit palpiter tranquillement. Elle s’est dit qu’après ces dix jours de bataille, ils pouvaient faire relâche aujourd’hui et rester dormir un peu. Surtout qu’elle a eu peur. Hier soir, une idée fulgurante avait surgi. Si le bon docteur S. s’était trompé ? Pourquoi ne voyait-elle pas d’amélioration malgré les deux traitements de choc qu’il lui avait donné ? Dans la nuit silencieuse, elle avait senti son thorax la presser fortement à plusieurs reprises. Le poumon travailler péniblement. Et puis son estomac aussi. Et ces cernes creusées en orbites violacées... Et la rate qui se dilate tant qu'à faire. Elle s’était mise alors à dérouler le tapis d’un film catastrophe. Pour la première fois, oui, elle avait eu peur de mourir. Et s’il lui arrivait quelque chose, comment ferait le Petit Trottineur ? Alors, elle avait expliqué à son petit garçon comment composer le 18 sur le combiné, et tout ce qu’il fallait qu’il dise clairement au cas où il arriverait quelque chose à sa maman. Ils avaient répété le scénario à plusieurs reprises comme un jeu. Lui, ça l'avait fait rire, elle, cela l’avait rendue triste. Sur les coups de dix heures, le téléphone a sonné, c’était la maîtresse qui s’inquiétait. Oui, elle avait oublié d’appeler lundi pour prolonger l’absence du petit. Elle a eu un peu honte de cet oubli, et de s’être abandonnée à ces idées funestes. Quand elle a raccroché, elle a ouvert les persiennes tranquillement. Le ciel était celui d’un bord de mer. Inlassablement les cliquetis des sécateurs hachuraient le silence de la campagne. Elle a inspiré fortement l’air frais. Les poumons répondaient présents. Quelle imbécile ! Il fallait qu’elle tende l'oreille autrement car à trop s’écouter soi-même, on meurt un peu plus vite…
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Commentaires
A
Ah ces idées noires qui nous prennent parfois.....je connais ça.<br /> J'espère que vous allez mieux tous les deux.<br /> Gros bisous
J
… ne mourrez pas tout de suite, vous me manqueriez !
Le petit trottineur
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