24 septembre 2008
Différent
A moins d’un an il répertoriait, classait, triait, désignait les objets selon les bonnes couleurs, les arbres selon leur variété, et posait mille et une questions en pointant le doigt.
A deux ans pile, le flot des mots est sorti de sa bouche, comme un barrage qu’on venait d’ouvrir, avec les phrases élaborées, construites avec une extrème précision, et un vocabulaire riche et coloré. C’est là qu’à commencé sa grande passion pour les trains.
A trois ans il est entré à l’école. La maîtresse l’a fait taire.
Parce qu’il connaissait les réponses, et anticipait la fin des histoires. "Ca génait les camarades."
Un jour en allant poster une lettre elle s’est arrêtée devant l’école. C’était l’heure de la récréation. Elle l’a vu , assis au pied d’un arbre, parlant tout seul, et sans que les autres s’aperçoivent de son existence. Il était transparent. Elle est revenue le lendemain, et c’était la même chose.
Mais pour la maîtresse « tout allait bien »… Lui, il disait chaque soir « je m’ennuie à l’école ».
Quand Elle essayait d’aborder le sujet, la maîtresse la regardait avec condescendance . "Encore une mère qui prend son fils pour un dieu.."Semblai-elle se dire.
A la fin de la petite section Elle l’a fait tester, même si le cœur n’y était pas… Oui, a dit la dame il fait partie des 2%...
Il faudrait lui faire sauter une classe. Parce que ces enfants qui s'ennuient à l'école sont le plus souvent en échec scolaire.
Mais bon, si le prix de la consultation était proportionnel au quotient qu’on venait de lui donner… Elle n'avait pas envie se s'y fier.
Ce n’était qu’un chiffre après-tout. Elle s’est dit qu’il allait grandir et qu’il fallait laisser le temps faire son chemin. Par pudeur elle n’a pas rendu compte de cela à la maîtresse, et se disait que celle-ci ferait bien quelque chose… Mais rien ne s’est passé.
A trois ans et demi, pour la moyenne section, elle l’a changé d’école, et l'a mis dans le privé. Peut-être y aurait-il une meilleure écoute. La maîtresse, très professionnelle, plus ancienne, paraissait rassurante… On verrait.
Tous les jours la maman demandait si ça se passait bien. Oui tout va bien. Et l’année s’est terminée. Il était toujours transparent. Sans petits copains. Il revenait toujours en disant qu’il s’ennuyait et ne voulait plus y retourner.
Cet été, Il a appris l’heure avec sa grand-mère en 10 minutes. Il compte jusqu’au million… Additionne, multiplie les centaine… Invente des sous-marins... Dépasse ses parents...
Mais ne dessine pas, ne sait pas couper avec des ciseaux, ne veut pas faire de puzzles ou de coloriages."Il faut passer par là a dit la maîtresse"... Il aimerait embarquer les copains dans ses histoires, mais « ils ne comprennent rien ». Alors il se tait.
Il y a deux jours l’inspecteur d’académie est passé dans la classe.
Une chance .
La maîtresse a demandé à la voir et enfin prononcé le mot « EIP ».(Enfants Intellectuellement Précoces)
Le mot était lâché… On allait pouvoir construire quelque chose. La maîtresse lui propose de lui faire faire un CP directement dans la maternelle, et le passer l’année prochaine au CE1. Une bonne solution.
Mais elle sait que pour lui ce sera difficile d’être parachuté parmis les costauds vu son petit gabarit. Elle aurait préféré une classe avec des copains du même âge comme lui, mais des écoles comme cela se comptent sur les doigts de la main en France, et encore, il faut attendre le collège…
Alors Elle sait qu’il faudra beaucoup de courage, et que le chemin à suivre avec son petit enfant si sensible et particulier ne sera pas facile. Qu’il lui faudra être très vigilante, obstinée, pour lui donner ses « nourritures intellectuelles », qu'il vive pleinement sa vie de petit garçon et continue de rêver.
Parce qu’ici, dans ce beau pays soit disant ouvert et tolérant, il n’y a pas de place pour
les « différents ».
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